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delphinéa au groenland
30 juillet 2008

feroe ö idslande

Pendant ce temps nous autres avons été nous promener dans Stornoway, petite ville sympa, rien de grandiose. Nous n’y voyons aucun policier. Normal il n’y en a qu’un pour toute l’île car pas de délinquance. Une activité qui tourne autour de la pêche, les touristes sont rares, ici rien n’est fait pour les recevoir. Tout le monde est surpris de voir des étrangers. Au retour, Michel et Edith vont voir un pêcheur qui commençait à triller son poisson. A l’arrière de son bateau les phoques et les goélands se jettent sur les déchets balancés à la mer, ils se battent pour avoir la plus grosse part.

Non, non on ne vend rien.

Edith fait la moue avec un beau sourire.

Un tout petit peu, juste pour nous, on arrive de France.

Tant et si bien que le pêcheur nous file quelques poignées de langoustines encore vivantes.

How much ? demande Michel qui parle couramment l’anglais.

Nothing, nothing.

Personne n’en croit ses oreilles. Le soir on s’est régalé, sauf Guy qui était parti faire ses photos. Nous lui avons quand même laissé sa part qu’il mangera à son retour, mais tout seul.

Edith et moi partons faire un tour de l’île Lewis en stop. Cela marche moins bien que d’habitude, il a bien fallu voir passer une bonne dizaine de voitures avant d’en voir une s’arrêter. Un mec sympa, mais qui connaît mal son pays, car il nous raconte des calembredaines, que nous découvrirons dans un deuxième temps. En effet en passant devant des éoliennes, je lui demande d’où vient l’électricité sur cette île, il nous raconte que c’est de l’énergie hydroélectrique. Curieux, car nous ne voyons aucun barrage. En réalité, il y a un câble qui vient de Ullapool, du « continent » Ecossais. Nous visitons Calanish, un lieu privilégié où des menhirs ont été érigés il y a 7.000 ans. Ici ils appellent cela « standing stones » (pierres debout), et, comme c’est curieux, c’est la traduction littérale du gaélique « menhir ». Il semblerait, c’est que nous apprenons sur le site, que les menhirs soient liés à un rite funéraire car les chercheurs locaux auraient trouvé des ossements au centre de cet ensemble de pierres. Quatre allées partent du centre où les ossements ont été trouvés, dans les quatre directions de la rose des vents. Il pleut, nous repartons, et immédiatement nous sommes pris par un couple d’allemands en BM qui fait du tourisme, et nous passons le reste de la journée en leur compagnie à sillonner le Nord de l’île. Mais que cette île est déserte, aride, pas un arbre, rien que de la tourbe et de la roche. A perte de vue nous voyons des moutons, parfois dans un pré clos, mais bien souvent sans aucune clôture. Cet endroit ne respire pas l’abondance.

A notre retour nous racontons nos journées réciproques à nos amis Michel et Guy. Guy en tant que bon baroudeur a fait connaissance, dans une boutique de tweed tenue par Roni, de Uisdean (on prononce ouchedéane), un Ecossais hors du commun. Il veut tout nous expliquer sur son île. Il fait partie des personnes rares qu’il fait plaisir de rencontrer. Un pur, un vrai, un amoureux de la nature et de son pays. Uisdean aurait voulut être pêcheur, son père a tout fait pour l’en dissuader, car disait-il, il serait devenu alcoolique. Allez donc savoir pourquoi ? Maintenant il est menuisier, mais il a quand même participé à quelques campagnes de pêche. Il nous raconte par exemple qu’il arrive souvent qu’un matelot tombe dans le chalut et soit remonté naturellement sans que personne ne s’en aperçoive avant d’être tourné sur l’axe qui le tire !!! Le résultat est souvent des membres cassés en plusieurs endroits. Lui a eu de la chance, car il ne s’en est tiré qu’avec quelques égratignures et contusions. Un soir nous mangeons avec sa famille à bord, il nous raconte beaucoup de choses sur son île, c’est merveilleux, mais pour moi très difficile à comprendre, car ne maîtrisant pas parfaitement l’Anglais, j’ai du mal à intégrer l’accent Ecossais. Un petit exemple : Deux ans se prononcent en Anglais « tou yirz », les Ecossais disent « tou yeurche ». Cette rencontre restera gravée dans nos mémoires, à tel point que ceci m’a donné, après coup, envie d’écrire une petite connerie :

C’était un lundi, d’étranges étrangers ont abordé les côtes de cette étrange île qu’est Lewis. Le ciel était étrange, mêlé de gros nuages noirs et de portions bleues laissant par ci par là filtrer quelques rayons de soleil. Ces étranges étrangers ont été bien accueillis par les étranges habitants de ce pays qui parlent un étrange anglais avec une patate chaude dans la bouche. Au hasard d’une visite un étrange autochtone a rencontré l’un des étranges étrangers, Uisdean (ouchedéane comme il dit). Il a voulu tout nous faire connaître de son étrange pays. Les landes interminables sans arbres, où les vikings ont tout détruit, le paysage sauvage du bord de mer, une île par-dessus laquelle passe les embruns au cours des rudes tempêtes d’hiver. Il nous a montré les étranges « blackhouses » construites après la guerre, toit de chaume et murs en pierres sèches, une porte de un mètre cinquante de haut, une pièce toute petite chauffée par la tourbe brûlant dans le cheminée, un sol suivant l’inclinaison du terrain.

Il a emmené l’un des étranges étrangers pêcher la truite. Comme c’est étrange tout cela. Il y a quelques jours encore personne ne se connaissait et voilà que maintenant les étranges étrangers et l’étrange habitant de Lewis ne peuvent plus se séparer, ils veulent tout partager, tout connaître de l’étrangeté de l’autre tout en conservant sa propre étrangeté.

Finalement on peut bien dire que si l’étrangeté chez soi ou à l’étranger est bien étrange, elle est bien agréable.

Le dimanche, journée froide et pluvieuse, Uisdean vient nous chercher pour nous emmener en ballade dans sa voiture. La météo semble vouloir nous accorder des vents favorables, nous prévoyons un départ pour le mardi. Lundi soir un petit coup d’Internet et nous décidons de ne pas partir. Il est prévu une saloperie sur Stornoway puis un vent contraire à l’arrivée sur les Féroé. Nous remettons à jeudi. Nous sommes aujourd’hui jeudi et toujours au port, ça burle, Eolie chante entre une voix de Soprano et de ténor. Le petit tour sur Cotweb mardi nous a dissuadé de partir, nous avons bien fait. Complexe cette météo ici.

Depuis que Charles est parti nous savions que nous n’irions pas au Québec. Nous nous doutions que nous n’irions pas au Groenland. Maintenant nous ne sommes pas sûr du tout d’aller même en Islande. Nous avons à peu près un mois et demi de retard sur notre plan de route et nous sommes en train d’attendre, d’attendre, d’attendre. Pendant ce temps nous en profitons quand même pour faire du tourisme. Hier par exemple nous avons encore fait du stop pour aller à l’extrémité Sud de l’île, sur la péninsule de Harris. Un paysage morne, la pierre, à peine un peu d’herbe rase, quelques bruyères éparses, la mer qui rentre dans les terres par de longs lochs encombrés de rochers, aucune maison, aucune vie humaine, seulement des moutons qui se promènent au gré de leur fantaisie. Nul part ailleurs nous n’avons eu l’occasion de voir ce type de paysage rude et aride. Mais le coup d’œil est quand même extraordinaire. Tiens, connaissez-vous l’origine du mot « loch » ? Cela vient de l’Anglais « lake » qui veut dire lac. Les Ecossais prononcent cela « loc ». C’est tout simple.

Pourquoi n’y a-t’il pas d’arbres sur cette île ? Lorsque les vikings sont venus ils auraient coupé une grosse partie de la forêt naturelle, et la légende dit, qu’il y a environ cinq cents ans, un gigantesque incendie ayant duré une année, aurait brûlé tout ce qui restait. Depuis environ une cinquantaine d’année, une opération de replantage est en court, mais c’est bien long, d’autant plus qu’il y a dix ans, un insecte parasite venu de Russie, aurait attaqué et détruit une bonne quantité de ces arbres. Mais que le climat est dur pour ces arbres. Un arbre de trente fait tout juste deux fois ma taille !!

Nous avons passé la journée à tourner en rond. Edith a fait un gâteau avec des pommes et du rhum, Michel et Guy sont venus le partager après qu’on ait fait un tour sur Internet pour la météo. Oui, ça y est on part demain, enfin. Uisdean vient chercher Michel pour l’emmener à la pêche sur un lac. Il ramènera trois petites truites. Lorsqu’ils sont revenus, nous dormions. Ce matin, je trouve sur la banquette du cockpit une bruyère avec ses racines. C’est Uisdean qui l’a déposée là pour que je la replante en France. Michel lui a probablement raconté que j’aimais les fleurs. Il serait heureux, et je vais tout faire pour, si ce petit buisson arrivait à reprendre à Preuilly. Un morceau d’Ecosse à Preuilly dans le Berry. Tiens, au fait, encore une anecdote. En bouquinant sur le Berry, nous découvrons une page de notre histoire. Un traité lie l’Ecosse et la France. Il s’agit de l’audl alliance signée en 1.295 et qui prévoit une assistance militaire. En octobre 1.419, après la guerre de cent ans, une armée Ecossaise, forte de 6.000 hommes, placée sous le commandement de Jean Stuart de Darnley, arrive à Bourges. Cette armée sera renforcée par une autre, de 4.500 hommes, arrivée en janvier 1.421. Cette armée gagnera la bataille de Baugé, en Anjou, sur les troupes du duc de Clarence. En remerciement, Jean Stuart de Darnley recevra la seigneurie de Concressault en Berry. Depuis le traité n’a jamais été annulé et est donc toujours en vigueur !!!

Les Féroé

Nous sommes vendredi, nous avons largué les amarres et faisons route vers les Féroé. Enfin parti. Mais pas de vent, c’était attendu, nous préférons cela à une avoinée. Un banc de globicéphales vient nous saluer. Certains font des cabrioles, nous n’avons jamais vu cela. Parfois un couple saute ensemble. Superbe, unique. Nous doublons rapidement les Hébrides par le Nord et nous trouvons une houle longue comme en Atlantique et nous nous disons « enfin de la mer libre ». Le vent se lève un peu, du Nord-est, pas terrible pour nous. La mer devient hachée, courte, dure, cassante. Parfois Delphinéa est sur deux crêtes à la fois avec des creux de deux à trois mètres. Parfois elle descend d’une crête pour se planter dans le bas de la vague suivante, sous la mer presque jusqu’au pied de mât. D’autres fois elle monte sur la vague qui arrive et, arrivée en haut, n’a plus d’eau pour la soutenir, alors splash de tout son poids. Dur à supporter. Après deux journées et une nuit, un appel sur la VHF : « Delphinéa, Delphinéa de Bonnie ». Michel nous fait part de nouveaux problèmes avec son moteur. Nous n’hésitons pas, nous le prenons en remorque aussitôt. Manœuvre difficile dans cette mer dure. Mais finalement tout s’est bien passé. Nous avons encore une bonite au bout de notre ligne. Le vent tourne Sud, nous établissons le génois, avec la vitesse du bateau nous sommes au largue et filons sept nœuds avec Bonnie en remorque !!!

La première île est en vue, Suduroy. C’est là que nous allons, au port de Vagur au fond d’un fjord. Il est six heures le matin du dimanche quand nous entrons dans le fjord. Le plafond est bas, la pluie est là, un petit village avec ses maisons colorées est accroché au bas de la montagne, au milieu de la verdure. Nous larguons Bonnie, et entrons dans le port, à couple avec un vieux gréement, un ketch de 130 ans. Aussitôt nous avons la visite du capitaine du port, il est déjà huit heures, pour nous souhaiter la bienvenue.

Une fois encore nos pavillons Français font bon effet. Tout le monde cherche à discuter un peu avec nous. Nous avons la visite du douanier, pour le contrôle des alcools, de la police pour les passeports, et tous en profitent pour discuter un peu. Vraiment très bien accueillis. Le prix du port, il faut en parler. « Mais pour vous c’est gratuit », nous dit le capitaine du port !!! Le soir de ce dimanche nous allons regarder le débarquement d’un petit bateau de pêche, histoire de prendre quelques photos. La discussion inévitable s’engage, je réponds avec les quelques mots de suédois qui me viennent à l’esprit. Le pêcheur pense que je suis Norvégien. « Oh Français » , dit-il tout ébahi. « Un poisson t’intéresse » ? «  Oh oui ». Il m’en donne deux, deux gros colins. « Combien » ? « Mais tu plaisantes, rien du tout » !!!! Nous apprenons leur méthode de pêche. A la ligne. Chaque bateau est équipé de plusieurs traînes très sophistiquées et surtout pas de filet ou de chalut. Ces méthodes sont réservées à la pêche dans les eaux internationales.

Lundi soleil éclatant, nous grimpons sur une montagne (435 mètres) dominant tout le coin. Superbe, extraordinaire, nous voyons la mer de tous les côtés, la vie sauvage. En montant deux huitriers sont très excités par notre passage. Sans doute y a-t-il un nid dans les parages. Nous le trouvons, et découvrons un petit, pas encore prêt à voler. Pendant la descente à travers champ, nous sommes attaqués par un couple d’oiseau marin. Nous avons cru d’abord à des goélands, mais ils étaient bien différents, couleur fauve terne presque gris. Ils nous passent à quelques centimètres de la tête en hurlant. Effectivement nous voyons un petit mal planqué, habillé de son duvet jaune clair comme un canard. Un peu plus bas Michel a failli buter dans un jeune goéland presque prêt à voler, qui se sauve en courant et battant des ailes comme un fou. Au retour nous faisons connaissance de Goodman, patron du chantier naval local en charge de l’entretien de Johana le vieux gréement qui nous propose d’utiliser ses douches, et une connexion 220 volts. Nous acceptons le 220. Il nous dit où se trouve la clé de son bateau au cas où nous aurions besoin de quelque chose. Avez-vous déjà vu cela ?

Le ciel s’est couvert, il a fait trop beau dans la journée de lundi, et le ciel s’est mis à transpirer toute la journée de mardi et surtout la nuit qui vient de passer. C’est comme ça ici. Beaucoup de pluie, mais vraiment beaucoup. Le ciel fini par se dégager, nous partons à pieds vers Porkeri un petit village à cinq kilomètres d’ici qu’on dit être typique. Nous découvrons un musée où on été entassés des outils d’un autre temps. En fait en passant devant, nous l’avons vu fermé, nous en avons fait le tour et jeté un coup d’œil à l’intérieur. En en repartant, un type vient nous voir et nous demande si une visite nous intéresse. C’est un vieux marin au long court, connaissant tout de la mer, il nous fait la visite. Il demande si nous serions intéressés aussi par la chapelle. Un coup de fil et le directeur de l’école vient aussitôt pour assurer les commentaires. Curieuse cette chapelle luthérienne. Construite en 1847, sur le toit de la terre sur laquelle pousse de l’herbe. L’intérieur est en bois parfaitement entretenu, à tel point qu’on a l’impression qu’elle date de la fin du vingtième siècle. Il nous raconte qu’au début 1.900 une terrible tempête a failli tout écrouler. Juste une poutre qui a commencé à péter. Réparation, renfort et ajout d’une autre poutre a permis à cette chapelle de faire face à toutes les tempêtes qui ont suivi. Pendant ce temps là Guy fait connaissance du journaliste local. Il fait un article d’une demi page, avec photo, sur notre équipée, enfin surtout celle de Bonnie, avec son pavillon Tibétain. Tout le monde maintenant nous connaît dans le village.

Vendredi soir, Johanna part en croisière pour dix jours. Port williams en Ecosse, canal calédonien, Inverness et retour. Il s’agit de policiers voulant se faire un petit plaisir. Tout le village, ou presque était là pour saluer leur départ. Ce matin samedi, Michel prend les amarres d’un pêcheur qui vient d’arriver de trois jours de mer. Il nous file une bassine de colins. Nous l’invitons à prendre l’apéritif à bord. On discute de bien des choses, de la mer, du prix du fuel. Au cours de cette campagne il a consommé 900 litres de fuel. Il a pêché sept tonnes de poisson à la ligne en neuf heures. Ils sont trois à bord, ceci veut dire que chacun a remonté presque trois cents kilos de colin à l’heure. Ces poissons sont vidés lorsque le bateau arrive à quai !! Le nom du pêcheur est John, c’est un écossais. Tout le monde sait bien que, dans nos eaux françaises, les rapports entre les pêcheurs et les plaisanciers ne sont pas franchement au beau fixe. Et bien, ici, chacun a un plaisir non dissimulé à rencontrer l’autre.

Nous avons décidé, il y a quelques jours, d’arrêter la montée vers Nord, ici aux Féroé. Mais nous sommes quand même si près de l’Islande !! Alors, avant-hier samedi, nous avons décidé de laisser Bonnie ici où nous connaissons du monde qui nous aime bien, et de partir tous les quatre à bord de Delphinéa pour faire un saut en Islande, sur la côte Sud-Est, au pied du glacier. Donc maintenant nous sommes en attente de la bonne météo. Pas de départ prévu avant deux ou trois jours. Un vent constant et soutenu nous vient du Nord Nord-Est. Delphinéa n’est pas un bateau de près, alors pour faire nos trois cents miles au Nord-Ouest, nous attendrons un vent de secteur Sud ou Est.

Hier, le ciel s’est couvert, la mer subitement s’est ridée, les goélands se sont mis à virevolter dans l’air au dessus du port, les haubans se sont mis à siffler, le Nord-Est s’est levé, pus fort que prévu. Nous pensions être très abrités par la colline sur notre arrière, mais parfois l’air s’écrasant sur l’autre versant, redescend en s’accélérant sur la pente qui nous fait face. On appelle cela un « ventury ». Usant, pénible, inquiétant même parfois.

Guy, tellement heureux de savoir que nous irons en Islande, prend quelques infos de ci, de là. Tant et si bien que le soir « réunion de service ». Nous avions prévu atterrir au Sud-est de l’Islande, au pied du glacier Vatnajökull, le plus grand d’Europe, rester quelques jours, puis repartir. Mais Guy nous dit que le plus intéressant dans ce pays est plutôt la partie Sud-Ouest. Pour nous aucun problème, mais il s’agit là d’une autre navigation, plus de cinq cents miles, d’une autre météo, une route presque plein Ouest, et beaucoup de risques d’attente pour le retour. Mais Guy nous dit qu’alors il pourrait reporter ses rendez-vous prévus à mi-septembre. Alors tous d’accord, nous décidons de partir sur Reykjavik. Une halte serait possible à l’île Helmaey, ce qui ferait un peu plus de cent miles en moins. Un Nord-Est est annoncé, nous décidons de partir. Oui, mais avec ce vent là, il faut passer par le Sud de Suduroy. Cette pointe est toujours soumise à de forts courants, nous prenons les infos auprès de la capitainerie et des pêcheurs. Il faut passer à marée montante, donc départ à 18 heures 30. Les pêcheurs nous ont dit, pour éviter les perturbations dues au courant, de raser les rochers de la côte. Conseil utile, conseil suivi, mais c’est vrai, qu’est-ce que ça bouillonne à cent mètres sur notre bâbord. Enfin nous sommes passés. Maintenant il n’ y plus qu’à …. Et c’est parti pour cinq jours de mer, nous sommes mercredi.

Nous captons les cartes météo, et oh surprise, nous nous croyions très abrités derrière un rideau de hautes pressions sur notre Ouest, mais celle située au Sud du Groenland se resserre vers le Sud et permettrait à une grosse dépression, centrée sur le Labrador, de passer vers le Groenland. Confirmation douze heures plus tard. Nous prévoyons donc de faire escale à l’île Helmaey. Nous devrions y arriver quelques heures avant la saloperie. Ce sera juste, mais ça devrait passer, nous pourrions y être samedi après-midi. Le Nordet soutenu nous permet de filer à plus de sept nœuds, c’est super. La vie s’organise à bord, Guy et Michel prennent leurs marques. Nous sommes déjà vendredi, nous avons fait la moitié du parcours, nous n’avons plus de vent, nous sommes au moteur, nous n’avons pas vu un seul autre bateau. Ce matin je prends mon quart après Guy à quatre heures et demi. Plein jour bien sûr, et oh surprise j’aperçois au loin sur notre tribord un objet flottant non identifié. Un pêcheur ? Sûrement pas, nous sommes dans une zone de mille à deux mille mètres de fond. Un cargo ? Peut-être, un petit alors. Un militaire ? Pas impossible, mais il n’y a pas d’armée en Islande et probablement pas aux Féroé non plus. Un navire scientifique ? Pourquoi pas, on fait beaucoup de mesures sismiques ici. Mais rapidement il est perdu de vue. Mon analyse météo me confirme qu’il faut bien arriver à un abri samedi. Alors prions.

Le onze juillet est arrivé sans prévenir. C’est l’anniversaire de ma naissance. Alors, un menu spécial : foie gras, confit de canard, petites pommes de terre sautées, crémant de bourgogne, Maranges 2.000. En prime le vent portant, la mer dans tous les azimuts.

L’islande

Samedi dans la matinée, l’Islande est en vue. Le vent forcit, par l’arrière, nous gardons uniquement la grand-voile, une fois n’est pas coutume, puis nous prenons deux ris. Nous filons malgré tout sept nœuds. Nous arrivons à notre île refuge, Heimaey. Michel à la barre. Impressionnant (ce n’est pas pour Michel ces caractéristiques), lugubre, roches noires tombant à pic dans l’eau noire. Mais où est donc le passage ? Nous allons droit sur la falaise et on ne perçoit pas la passe d’entrée. Nous sommes à six nœuds, ça va faire du dégât !! Alors demi tour, on affale et entrons à petite vitesse avec Babar. Passe étroite, lugubre, une falaise, sur la falaise de nombreuses taches blanches. De la neige ? De la glace ? Si près de l’eau ce n’est pas possible. Nous sommes tout près des rochers maintenant, et nous comprenons qu’il s’agit des fientes d’oiseaux marins des fulmars boréaux et des goélands qui nichent dans chaque petit replat. Il pleut franchement, nous sommes transpercés par ces petites gouttelettes poussées par le vent. Deux heures après l’arrivée à quai, le vent a commencé à forcir sérieusement, nous sommes bien au port. L’accueil est fantastique ici. Le plaisancier, et surtout l’étranger, est vraiment le bienvenu. Tout le monde a le sourire en nous croisant. La capitainerie fait tout pour nous satisfaire et nous faciliter la tâche. Ils appellent eux-mêmes la douane, nous font la remarque que nous aurions dû appeler les « coast guard » avant d’arriver : « vous ne saviez pas ? Bah ce n’est pas si grave, maintenant nous les avons prévenus ».

Un douanier vient nous voir une heure après, simple formalité, aucune question sur les alcools et les légumes frais que nous avions, alors que notre guide du routard nous prévenait que la réglementation est très sévère et stricte sur ces sujets là.

Après une nuit de repos bien mérité, nous partons à la découverte de l’île. Un dépaysement total. Une île volcanique, même qu’au cours d’une éruption, la coulée de lave a bien failli boucher le port. Cette éruption a duré plusieurs mois, et la lave avançait chaque jour. Les Islandais ont installé des pompes à débit énorme, 400 mètres cubes à la seconde, pour refroidir la lave descendante. Ce débit n’était pas suffisant, d’autres pompes plus puissantes ont été importées des Etats-Unis. Enfin ils ont réussi à sauver le port. Sans doute savaient-ils que Delphinéa irait les voir. Nous marchons dans les scories, nous avons l’impression de marcher sur la lune, peu de végétation, normal nous sommes au pied du volcan Helgafell, c’est lui qui s’est réveillé le 23 janvier 1973 après une inactivité de 6.000 ans. Impressionnant, un peu plus loin nous voyons des collines abruptes avec un petit peu de végétation d’un vert soutenu. Ceci n’est pas sans rappeler l’île de la Réunion à Michel.

Un autre jour, nous partons à la chasse, photo bien sûr, des macareux. Nous les trouvons sur le flanc d’une colline que nous devons escalader. Spectacle extraordinaire, nous sommes dans un autre monde. Le sommet est une arrête moins large que notre chaussure. Les macareux virevoltent dans tous les sens, des acrobates. Le lendemain nous partons à pied à l’extrémité Sud de l’île, environ cinq kilomètres. Nous y trouvons des plages de sable noir, mais noir de chez noir. Un vent puissant d’Ouest nous fait penser que ce serait bon pour revenir vers les Féroé, mais ce n’est pas encore le moment. D’une petite cabane, nous pouvons observer, bien à l’abri, les macareux faire leurs cabrioles, parfois ils sont attaqués par les goélands. Jamais aucun ne s’est fait prendre. Ils sont bien plus rapides. Il y en a quand même un qui a eu vraiment chaud aux fesses. Le ciel est clair et nous avons la chance de voir jusqu’à l’Islande. Et là, spectacle magnifique. Des montagnes, un glacier énorme Mydalsjökull. Ce n’est pas le plus grand d’Islande, mais, mon dieu qu’il est grand.

Le 14 juillet (cette date rappelle-t’elle quelque chose à quelqu’un ?) un bateau avec six Irlandais à bord accoste à côté de nous. Le soir ils sont à notre bord, histoire de faire connaissance avec nos habitudes françaises. Ils viennent avec une bouteille de whisky Irlandais. Tiens, au fait, nous en profitons pour apprendre d’où vient le mot whisky : en Irlandais on dit whiskey, c’est la déformation de « uisce beatha » signifiant littéralement « eau de vie ». En tout cas nous avons fait bonne connaissance, il y avait John, Jim, John, Franck, David. Un seul n’a pas fait de prison ….. Parlons de leurs métiers : vétérinaire, banquier, toubib, musicien. Rien que des gens respectables quoi. Nous avons beaucoup parlé, beaucoup salué la révolution Française, et l’amitié Franco Irlandaise. Quand ils sont partis la bouteille de Crémant de Loire était vide, la bouteille de whiskey … il n’en reste presque plus, la bouteille de pastis a pris une sérieuse claque, même qu’ils ont aussi goûté à l’eau de vie de prune et David a dit : c’est du sérieux ça !!! Sur le ponton, en partant, Jim soutenait John, aucun n’est tombé à l’eau, mais c’était parfois du juste, sans doute l’instinct de survie.

Aujourd’hui mercredi, à notre grande surprise, la météo est correcte pour partir sur Reykjavik, alors départ. Edith prépare la route, Michel va la suivre. Temps clair, les glaciers blancs se détachent sur le ciel bleu clair et sur l’eau bleu foncée. Magique. Au loin on aperçoit deux taches de lumières se détachant sur les nuages noirs du couchant. Guy émet l’hypothèse d’un mirage de deux icebergs qui serait près du Groenland. Pourquoi pas. A mon avis, il ne fait tout de même pas assez chaud. Puis Guy pense à une éruption volcanique sous-marine et ce serait de la vapeur. Nous serions en train d’assister en direct à ce phénomène étrange. Faut-il s’éloigner pour la sécurité ou s’approcher pour la curiosité ? Finalement il s’agit de deux bouches d’un volcan que nous doublons quatre heures après dans une odeur très prenante de souffre. Au petit matin de grosses masses noires émergent parfois de l’eau. Des cétacés, c’est sûr, mais lesquels ? Globicéphales, rorquals communs ? Ils sont trop loin, impossibles à identifier pour des ignares comme nous. Tout ce qu’on peut dire c’est qu’ils ne sont pas venus nous saluer, ils ne sont pas en groupe, ils ne sautent pas hors de l’eau et on ne voit jamais leur queue. En tout cas nous sommes amarrés au port de Reykjavik. Maintenant nous allons nous organiser pour visiter l’Islande.

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Commentaires
S
Bravo pour tous ses moments que vous nous faite profiter, dommage pas de photos aller bon vent attention aux radars<br /> Noël et Aurea
delphinéa au groenland
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